
Par le Dr Ernesto ILLY, président de la Société
illy caffe, à Trieste.Article paru dans ®
Pour la Science N°298 d’Août 2002 reproduit avec l’aimable autorisation de l’éditeur conformément à la loi du 11 mars 1957.
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La torréfaction libère quelque 800 molécules volatiles. Les plus odorantes sont extraites de la mouture, avec la caféine; certaines sont transportées par des huiles qui confèrent à l’expresso sa texture, son goût et sa tenue en bouche.
Quoi de plus réconfortant qu’une bonne tasse de café?
La fumée odorante qui s’élève, chargée des senteurs de grains fraîchement torréfiés, attire les promeneurs vers les cafés, et tire les dormeurs de leur sommeil. Des millions de personnes cèdent chaque jour à l’attrait du café qui stimule et avive l’esprit. Pourtant, ce breuvage si simple et si usuel dissimule une alchimie qui, des champs de caféiers jusqu’à la torréfaction, assemble et dose les centaines de composés qui définissent son goût, son arôme et son corps.
Pour les connaisseurs, l’expresso symbolise l’art du café [NDLR : pour Mon-Café, il s’agit juste d’un mode préparation comme un autre]. Ce breuvage sombre et opaque est couvert d’une mousse dense, veloutée et persistante. Elle est composée de petites bulles de gaz, emprisonnées dans une très mince pellicule liquide. La fonction de cette pellicule est double : d’une part, elle empêche les arômes de s’échapper en les confinant dans le gaz et, d’autre part, elle limite les échanges de chaleur avec l’air ambiant, empêchant que la boisson ne refroidisse. Un expresso est une boisson préparée à la demande «expresse» du client : on fait passer rapidement une petite quantité d’eau chaude sous pression, à travers un bloc de café torréfié finement moulu et comprimé. L’extrait concentré ainsi obtenu contient des petites particules solides issues des grains de café, et diverses substances aromatiques dissoutes dans une émulsion de fines gouttelettes d’huile.
Le café voit le jour dans les champs d’Équateur ou d’Éthiopie, par exemple, poursuit sa route jusqu’aux hangars où il est traité, puis vers les chaînes de torréfaction, avant de trouver sa forme achevée, prête à la consommation. Nous allons examiner ces quatre principales étapes.
Les grains de café vert sont les graines de plantes de la famille des rubiacées, qui compte au moins 66 espèces du genre Coffea. Les deux variétés exploitées commercialement sont Coffea Arabica, qui représente les deux tiers de la production mondiale, et Coffea Canephora, que l’on nomme souvent café Robusta, et qui représente le dernier tiers. Les plants de café Robusta et toutes les espèces sauvages de café sont pourvues de 22 chromosomes. L’Arabica en a 44. De ce fait, on ne peut croiser l’Arabica avec d’autres variétés de café.
Les champs de caféiers
Le caféier Robusta a un rendement élevé et résiste aux maladies. Sous les climats chauds et humides, il atteint 12 mètres de hauteur. Le café obtenu a du corps, un arôme relativement âpre et terreux, et une concentration en caféine élevée, comprise entre 2,4 et 2,8 pour cent du poids de la baie. Bien qu’il soit commercialisé par de nombreux fournisseurs, le Robusta ne donne pas un très bon café.
L’Arabica, provenant des hauts plateaux éthiopiens, est un arbre au rendement moyen, voire faible. Assez fragile, il atteint cinq à six mètres de hauteur, mais exige un climat tempéré et beaucoup de soins. On taille les caféiers pour qu’ils ne dépassent pas 1,5 à 2 mètres de hauteur. Le café préparé à partir de grains d’Arabica a un arôme riche et intense, aux notes florales et fruitées qui évoquent le miel, le chocolat, le caramel ou le pain grillé. Sa teneur en caféine ne dépasse jamais 1,5 pour cent du poids de baie. Sa qualité et son goût supérieurs lui valent d’être vendu plus cher que son cousin, plus fruste et plus âpre.
La maturation du café Arabica nécessite près de sept mois d’un temps chaud et humide, de la floraison jusqu’à l’apparition des premiers fruits rouges ou jaunes, les «cerises». Chacune de ces cerises contient deux graines oblongues : les grains de café. Les cerises doivent être cueillies à maturité, ce qui requiert une main expérimentée, car sur un même rameau peuvent coexister des baies mûres, des baies immatures et des fleurs!
La cueillette manuelle est la plus performante, car les instruments, même les plus perfectionnés, ne distinguent pas les fruits mûrs. Pour une seule tasse d’expresso, il faut 50 à 55 grains de café torréfiés ; un seul grain défectueux peut gâcher le tout.
La qualité des grains dépend du patrimoine génétique des plantes, mais également du sol où elles sont cultivées et du climat, c’est-à-dire notamment de l’altitude, de la pluviométrie et de l’ensoleillement, ainsi que des variations quotidiennes de la température. Si l’on ajoute la diversité des procédés de torréfaction, l’ensemble de ces facteurs aboutit à d’infinies nuances dans le goût des grains et des mélanges que réalisent les fournisseurs.
Préparation des fèves et torréfaction
Les cerises de
café sont traitées immédiatement après leur récolte, pour qu’elles ne s’abîment pas. Les producteurs commencent par étaler les cerises dans une cour au soleil, sur des claies, et ils les remuent souvent à mesure qu’elles se dessèchent. Ainsi, elles sont réchauffées et aérées régulièrement. Lorsque les deux enveloppes, la
parche et la pellicule qui protègent les grains ainsi que la
pulpe sont sèches, on les élimine par un procédé de
décorticage en «pilant» les fruits ; les grains ou fèves de
café sont alors triés et mis en sac.Ce procédé par voie sèche est essentiellement appliqué au
café Robusta. Au contraire, Arabica est traité par voie humide. La pulpe des fruits est éliminée par fermentation, puis les fruits sont
lavés et débarrassés de la parche et de la pellicule. Les fèves sont séchées, nettoyées, calibrées, puis ensachées. On cherche à réduire l’humidité de la graine de
café, de 65 pour cent à 10 pour cent.Pour obtenir un bon
café, on doit impérativement partir d’un
cafévert irréprochable. Les producteurs de
café haut de gamme utilisent de nombreuses techniques pour minimiser la proportion des grains défectueux, par exemple la fluorescence par les ultraviolets qui révèle les grains moisis, ou encore la visualisation trichromique qui fournit une empreinte colorimétrique (jaune-vert, rouge et infra-rouge) des lots de grains de
café. Lorsque les grains de
café sont triés pour être ensachés, ils passent devant des cellules photoélectriques qui détectent les coques vides, les-quelles sont éliminées par un jet d’air comprimé.Cette opération de tri est rapide (400 grains de
café par seconde) et sa précision dépasse celle des yeux les plus entraînés.Une fois le
café traité, il doit être torréfié, pour que l’arôme du
café se développe : on chauffe les grains à très haute température, amorçant des réactions chimiques qui multiplient les substances volatiles à l’intérieur du
café. Tandis que l’arôme de
café vert (non torréfié) est constitué de quelque 250 molécules volatiles, le
café torréfié en comprend plus de 800!
En quelques chiffres
Avec plus de 400 milliards de tasses consommées chaque année, le café est la boisson la plus populaire au monde (en dehors de l’eau, bien sûr).
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Le café occupe la deuxième place des produits commercés dans le monde après le pétrole en termes de dollars échangés dans le monde entier (environ $ 10,4 milliards de dollars en exportations en 2000).
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Selon un sondage réalisé par la SCAA en 2001 auprès d’un échantillon de 3000 Américains : 52% des adultes (âgés de plus de 18 ans) aux États-Unis, déclarent boire du café tous les jours, soit 107 millions de buveurs quotidiens. 28 autres % des adultes (57 millions) déclarent boire du café de façon occasionnelle. Un buveur de café américain consomme, en moyenne, de 3.3 tasses de café par jour.
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Une controverse se poursuit quant à savoir si la culture du café d’ombre doit être encouragée afin d’améliorer les habitats des oiseaux. En fait de qualités arômatiques, les cafés d’ombre sont très réputés.
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Le café et la caféine ont été l’objet de nombreuses études scientifiques au cours de le dernier quart d’un siècle, avec 1500 à 2000 articles publiés chaque année sur le sujet.Malgré cela , peu d’effets négatifs sur la santé ont pu être imputés définitivement à la consommation modérée (deux tasses par jour) de la caféine du café. En fait, les travaux récents indiquent que le café torréfié peut être une bonne source d’antioxydants.
Torréfaction
Désigne dans quelle mesure les grains de café ont été torréfiés. La torréfaction est le processus par lequel la structure cellulaire des grains de café est brisée, ce qui permet de libérer les huiles aromatiques et les saveurs. Torréfier les grains de café signifie ni plus ni moins de les griller. L'opération dure en moyenne une vingtaine de minutes et se fait à des températures variant de 180 à 250° C.
Décorticage
Nettoyage des cerises séchées.
Café vert
Grains de café non torréfiés.
Canephora
Aussi connu sous le nom de café " robusta ", le canephora est le café le plus cultivé après l'arabica.
Canephora
Aussi connu sous le nom de café " robusta ", le canephora est le café le plus cultivé après l'arabica.
Mélanges
Les mélanges sont constitués de grains aux caractéristiques différentes qui savent bien se marier et se compléter pour mieux atteindre léquilibre et lharmonie. La majorité des cafés que nous buvons sont des mélanges. Le plus connu dentre tous est certainement le Moka Java.
Arabica
Le fruit du Coffea Arabica, une des deux espèces principales de caféiers. Le Coffea Arabica est un arbuste fragile qui est à l’origine de 75 % de la production mondiale de café. Le caféier Arabica apprécie la chaleur et l'humidité et pousse en altitude entre 600 et 2000 mètres. Les deux variétés les plus connues sont Typica et Bourbon mais il en existe de nombreux autres. Les plus grands crus de café sont des Arabicas dont les qualités aromatiques sont supérieures à celles des Robustas.
Caféier
Arbuste tropical originaire d'Abyssinie, dont le fruit (« cerise ») contient des graines (les grains de café). Il existe deux grandes espèces de caféiers : le Coffea Arabica et le Coffea Canephora.
Caféine
Alcaloïde présent dans le café, le thé et le kola. La caféine excite le système nerveux central, stimule le cœur, dilate les artères coronaires et a un effet diurétique. Une dose modérée de caféine active le système nerveux, aiguise les sens et l'acuité intellectuelle, atténue les signes de fatigue et empêche la somnolence. Une consommation exagérée peut entraîner une surexcitation du système nerveux, une dépendance chronique à la caféine, de l'insomnie, des problèmes respiratoires, de l'arythmie cardiaque et des palpitations. Une quantité de 10 g de caféine peut être fatale. Par ailleurs, l'arabica contient deux fois moins de caféine que le robusta. Un espresso serré est aussi moins caféiné qu'un café filtre.
Mouture
Opération par laquelle on réduit en poudre plus ou moins fine les grains de café. Chaque type de cafetière requiert sa mouture propre; il s'agit-là d'un impératif à respecter pour pouvoir bénéficier d'une bonne tasse de café. De plus, pour des résultats optimaux, on ne devrait moudre les grains de café qu'au moment de le préparer.
Robusta
Le robusta est le fruit du Coffea Canephora, l'une des deux grandes espèces de caféiers. Comme ce nom l'indique, il s'agit d'une plante robuste qui, contrairement au Coffea Arabica, pousse en basse altitude. Le robusta offre des cafés de piètre qualité aux saveurs moins fines et plus âcres.
Parche
Enveloppe (endocarpe) des fruits du caféier, située entre la partie charnue, le péricarpe, et la pellicule argentée. La parche est enlevée au cours du processus de décorticage.
Arôme
Sensation que provoquent les gaz qui émanent du café filtré au moment où ils sont inhalés par le nez. À proprement parler, l'arôme est inséparable de l'acidité et de la saveur. Les cafés acides ont une odeur acide, et les cafés riches en saveur le sont également en odeur. Tout de même, certaines notes fines, évanescentes, se révèlent principalement dans le nez d'un café, pour utiliser le langage de certains dégustateurs. Très souvent, on remarque dans certains cafés une note florale subtile, particulièrement au moment où la croûte est brisée dans le rituel traditionnel de dégustation. Les meilleurs cafés de Colombie et de Kona sont particulièrement réputés pour leur arôme floral. L'arôme, purement olfactif, se perçoit par les voies rétro-nasale. La café recense principalement 6 familles aromatiques dominantes : végétale, florale, fruitée, boisée, épicée et grillée.
Corps
Propriété physique de l'infusion découlant des sensations tactiles perçues dans la bouche au cours de l'ingestion et après. Le corps, ou la sensation en bouche, est l'impression de densité, de richesse et de consistance ressentie à l'arrière de la langue lorsqu'on se « rince » a bouche avec le café. Le café n'est pas dense à proprement parler : c'est simplement sa saveur. Pour faire une analogie avec le vin, les bourgognes et certains autres vins rouges sont plus denses que les bordeaux et la majorité des vins blancs. Dans ce cas, les dégustateurs de vin et de café utilisent le même terme pour décrire un phénomène semblable. Si vous n'arrivez pas à distinguer le corps, versez un peu de lait dans le café. Vous verrez à quel point la saveur du café qui a plus de corps persiste malgré le lait, alors que la saveur du café ayant moins de corps s'estompe. Si vous buvez votre café avec du lait, vous devriez acheter un café ayant plus de corps. Si vous buvez votre café noir, vous préférerez peut-être un type de café ayant un peu moins de corps.
Grain
Chacune des deux moitiés torréfiées du fruit du caféier. Fève ovoïde et aplatie recouverte par la pellicule argentée, la parche, la pulpe et enfin la peau de la cerise du caféier. Le grain de café est composé d'eau (grain vert, 6 à 13 %; grain rôti, 5 %), de sucres insolubles dans l'eau (grain vert, 30 %), de matières grasses (15 à 20 %), de protéines (grain vert, 11 %), d'alcaloïdes, dont la caféine (arabica, 1 à 1,5 %; robusta, 1,6 à 2,7 %) et de minéraux (potassium, calcium, magnésium et phosphates). Les grains provenant des plantations en basse altitude sont gros et épais et leur sillon central est large et marqué. Par contre, les grains des plantations en haute altitude ont une fente mitoyenne fine et moins profonde et leur surface plane est légèrement creusée. Leur densité est plus forte. Après avoir été cueillis, les grains doivent subir plusieurs traitements (tamisage, traitement par voie humide ou sèche, triage, calibrage, ensachage) avant d'être acheminés vers leur pays de destination où ils seront torréfiés, refroidis, moulus et finalement infusés.
Moyen
Café fait avec une concentration moyenne, produisant un café riche et équilibré avec une saveur pleine et agréable.
Pulpe
Matière visqueuse, blanchâtre et un peu sucrée située entre l'exocarpe (la peau) et la parche, l'une des deux couches protectrices (l'autre étant la pellicule argentée) du grain de café. La pulpe est éliminée lors des procédés de dépulpage et de fermentation.
Tasse
Elle varie en fonction des pays et des mode de préparation. (à compléter)
Lavé
Il est question d'un café lavé lorsqu'il a été traité par voie humide.